Le Blavet, une masse d'eau fortement modifiée : MEFM

Derrière cet acronyme, se cache la directive cadre européenne sur l'eau : DCE 2000/60/CE du 23 octobre 2000 du Parlement et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

La DCE apporte une approche novatrice de la protection de l'eau.

« L'eau est indispensable à la vie. Il s'agit d'une ressource vitale pour l'humanité et le maintient de la croissance économique et de la prospérité. Elle est également au cœur des écosystèmes naturels et de la régulation climatique »

La DCE précise que les eaux doivent atteindre un bon état chimique et écologique afin de protéger la santé de l'homme, l’approvisionnement en eau, les écosystèmes naturels et la biodiversité.

La directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 vise à donner une cohérence à l'ensemble de la législation avec une politique communautaire globale dans le domaine de l'eau. Elle définit un cadre  pour la gestion et la protection des eaux par grand bassin hydrographique au niveau européen en y associant une perspective de développement durable.

Un premier état des lieux engagé en 2004 et finalisé en 2009 a conduit à l'identification des cours d'eau et à leur classement.

En France, 13 Districts Hydrographiques ont été retenus ; FRG pour Loire Bretagne et côtiers vendéens.

En France, les plans de gestion des districts hydrographiques sont appellés SDAGE.

Les SDAGE ont été soumis à un processus de coordination entre les différents secteurs et acteurs concernés et un « large processus de consultation du public ».

Les différentes parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre de la DCE  (organisations d'agriculteurs, industries, ménages, consommateurs, municipalité, les utilisateurs à des fins de pêche et de loisirs, etc)participent via leurs représentants au comité de bassin.

Ils sont associés à l'élaboration du PdM (programme de mesures) adopté par le préfet coordinateur de bassin.

Les permis pour les concessions hydroélectriques doivent être compatibles avec les dispositions du SDAGE, y compris pour les autorisations et leur renouvellement (sans précision de délais).

Pour ce qui concerne les cours d'eau bretons et notamment le Blavet et ses affluents en deux typologies masses d'eau cours d'eau pour les affluents et masse d'eau fortement modifiée pour le cours principal du Blavet et le canal de Nantes à Brest.

C'est la navigation qui a été évoquée comme cause principale pour la demande de dérogation  de classement en MEFM, pour le Blavet.

Le cours principal du Blavet a été segmenté en 5 masses d'eau :

  • FRGR0094 :le Blavet depuis la confluence de l'Evel jusqu'à l'estuaire, 24,5 km
  • FRGR0093c : le Blavet depuis la retenue de Guerlédan jusqu'à l'amont de Pontivy (lieu-dit la Cascade), 18,8 km,
  • FRGR0093d :le Blavet depuis Pontivy jusqu'à la confluence avec l'Evel, 38,5 km,
  • FRGR0093a :le Blavet depuis la confluence du canal de Nantes à Brest jusqu'à la retenue de Guerlédan, 7,3 km,
  • FRGT20 : estuaire du Blavet.

Le classement des masses d'eau en différentes typologies doit se faire conformément au texte de la DCE notamment pour ce qui concerne les dérogations de classement en MEFM suivant l'article 4 qui liste les différentes situations pour lesquelles :

  • les modifications à apporter aux caractéristiques hydromorphologiques de cette masse d'eau pour obtenir un bon état écologique auraient des incidences négatives importantes sur l'environnement en général, la navigation, le stockage de l'eau, l'irrigation, etc
  • les objectifs bénéfiques poursuivis par les caractéristiques artificielles ou modifiées de la masse d'eau ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints raisonnablement par d'autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure.

C'est la circulaire DCE n° 2006/13 du 28 février 2006 qui précise les modalités de désignation des masses d'eau fortement modifiées.

Lors de cette première phase, un avis de la commission géographique « Vilaine et côtiers bretons » préconisait le classement de la portion comprise entre Guerledan et Pontivy en masse d'eau naturelle et non MEFM,

Ceci a entraîné une forte réaction des élus locaux qui décident d'interpeller les autorité compétentes.

Une étude d'opportunité sur les conséquences de l'ouverture des grandes vannes est lancée, à la demande de la CLE du SAGE Blavet.

En définitive, l'ensemble des masses d'eau du Blavet restent en MEFM.

Le RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL relatif à la mise en oeuvre de la directive-cadre sur l'eau (2000/60/CE) Plans nationaux de gestion des bassins hydrographiques élaboré à la cloture du 1er cycle de gestion des districts hydrographiques – SDAGE – et de préparation du 2ème cycle constate que :

- »l'application de la dérogation au titre de l'article 4 n'a pas été pleinement justifié dans les PGDH – SDAGE – français. En particulier, l'utilisation des coûts disproportionnés pour motiver l'application de dérogations n'a pas été suffisamment justifiée. Une analyse économique solide doit être effectuée afin de définir des programmes de mesures à la fois rentables et efficaces, comme il se doit, le retour aux dérogations. »

Par ailleurs, «  Il semble que certaines étapes font défaut dans la méthode utilisée pour désigner les MEFM. L’approche graduelle du document d’orientation n° 4 de la stratégie commune de mise en œuvre26 semble ne pas avoir été totalement suivie. En particulier, les incidences négatives importantes des mesures de restauration sur l’utilisation ou sur l’environnement au sens large, ainsi que le manque d’options environnementales meilleures, ne sont pas clairement évalués dans les PGDH. Le document d’orientation de 2006 donne quelques indications concernant l’incidence sur l’utilisation des modifications nécessaires pour parvenir au bon état écologique. Il fournit également des orientations sur l’évaluation des options environnementales meilleures pour atteindre les objectifs visés par la modification des MEFM. Néanmoins, les PGDH – SDAGE - ne contiennent généralement que des informations très générales sur le processus de désignation et les résultats des évaluations susmentionnées ne sont pas décrits dans les plans. »

La réévaluation de l'état des masses d'eau doit être effectué à chaque révision du SDAGE, tous les 6 ans, afin de justifier notamment le classement en MEFM.

Lors de la préparation du SDAGE 2016 – 2021 un argumentaire a été développé. Il est présenté sur les fiches récapitulatives des différentes masses d'eau du cours principal du Blavet.

On peut lire pour justifier la canalisation :

  • Navigation : département du Morbihan des retombées économiques estimées à 6,3 M € pour la navigation de plaisance. 77 passages écluses en 2013 amont de Pontivy et 337 passages à l'aval de Pontivy.
  • Activités nautiques douces : 90 clubs en Bretagne en 2013 avec un CA de 85000 €, 4200 licenciés, 310 000 temporaires et 426 000 ½ journées. Des clubs à Guerlédan, Mur de Bretagne, Pontivy, Pluméliau, Baud et Lochrist.
  • Pêche de loisir : 12668 pêcheurs et 2,8 M € de retombées économiques.

Les fiches masses d'eau indiquent également les coûts estimés de réhabilitation par tronçons ainsi que les impacts de ces mesures.

 

Comme indiqué dans la première évaluation menée par la commission, la justification de la dérogation de classement des masses d'eau en MEFM est lacunaire. L'élaboration du programme de restauration et les impacts des mesures sont très partielles.

La révision du SDAGE 2022 – 2027 est actuellement en cours. Les différents acteurs, partie prenantes impliquées doivent être sollicités dans ce cadre.

La dérogation de classement en MEFM des masses d'eau du Blavet doit être demandée et argumentée conformément à la DCE.

L'AELB et la délégation Bretagne à St Brieuc est en charge de l'avancement de la démarche sur ces masses d'eau.

Lors de la mise à jour du programme de mesures pour les masses d'eau cours d'eau, le cas des MEFM n'a pas été abordé.

Concernant la réflexion sur l'aire géographique de la démarche engagée sur le Blavet (Blavet 2050),  une approche régionale permettrait de traiter le cas de l'artificialisation des 4 grands cours d'eau bretons en rapport avec la navigation de plaisance avec des bateaux à fort tirant d'eau (1,60 m).

Nous savons et constatons que la situation est différente sur la Vilaine et son affluent l'Oust, le Blavet, l'Aulne et la Rance. Chaque cours d'eau présente des caractéristiques hydro morphologiques différentes et une une situation particulière en matière de fréquentation. Par ailleurs, les contextes piscicoles sont différents.

Un seul interlocuteur : la Région Bretagne arc boutée sur son projet de valorisation des cours d'eau, en perpétuant la canalisation dans un contexte de changement climatique qui aura des effets significatifs sur les milieux aquatiques.

Nous devons demander aux élus les éléments qui justifient ce choix et proposer une mise à plat des choix possibles.

Le cadre institutionnel – réglementaire de la DCE oblige à expliciter la justification du classement en MEFM.

Il faut passer du projet ressenti : paysage, miroir d'eau, histoire, patrimoine à une approche plurielle et prospective dans le cadre du dérèglement climatique et du développement durable.

 

 

Le classement des masses d'eau en MEFM

  1. - Pour l'application du 2° du IV de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux indique l'emplacement des masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines et les motifs pour lesquels ces masses d'eau ont été ainsi désignées. Cette désignation fait l'objet d'un réexamen lors de chacune des mises à jour du schéma.
    Le schéma directeur comporte également la liste des projets mentionnés au deuxième alinéa de l'article 7 et indique les raisons des modifications qu'ils apportent à la masse d'eau affectée.
    II. - Une masse d'eau de surface artificielle ou fortement modifiée relève du régime prévu au 2° du IV de l'article L. 212-1 lorsque sont réunies les conditions suivantes :
    a) Les mesures qui seraient nécessaires, en matière d'hydromorphologie, pour obtenir un bon état écologique conformément au 1° du IV du même article L. 212-1 auraient des incidences négatives importantes sur l'environnement ou sur la navigation, les installations portuaires, les loisirs aquatiques, sur le stockage d'eau nécessaire à l'approvisionnement en eau potable, à l'irrigation ou à la production d'électricité, sur la régulation des débits, la protection contre les inondations et le drainage des sols ou sur d'autres activités humaines aussi importantes pour le développement durable ;
    b) Les avantages associés à la création artificielle ou aux fortes modifications de la masse d'eau ne peuvent être obtenus, pour des motifs d'ordre technique ou en raison de coûts disproportionnés, par d'autres moyens permettant de parvenir à des résultats environnementaux sensiblement meilleurs.
    III. - L'état d'une masse d'eau artificielle ou fortement modifiée par les activités humaines est défini par la moins bonne des appréciations portées respectivement sur son potentiel écologique et sur son état chimique.
    Le potentiel écologique d'une masse d'eau artificielle ou fortement modifiée comprend quatre classes : bon et plus, moyen, médiocre et mauvais, définies par référence aux niveaux de qualité de la catégorie de masse d'eau de surface naturelle la plus comparable.

 

DCE 2000/60/CE du 23 octobre 2000 – article 4,3

 

  1. Les États membres peuvent désigner une masse d'eau de surface comme étant artificielle ou fortement modifiée lorsque:
  2. a) les modifications à apporter aux caractéristiques hydromorphologiques de cette masse d'eau pour obtenir un bon état écologique auraient des incidences négatives importantes sur:
  3. i) l'environnement au sens large;
  4. ii) la navigation, y compris les installations portuaires, ou les loisirs;

iii) les activités aux fins desquelles l'eau est stockée, telles que l'approvisionnement en eau potable, la production d'électricité ou l'irrigation;

  1. iv) la régularisation des débits, la protection contre les inondations et le drainage des sols;
  2. v) d'autres activités de développement humain durable tout aussi importantes;
  3. b) les objectifs bénéfiques poursuivis par les caractéristiques artificielles ou modifiées de la masse d'eau ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints raisonnablement par d'autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure.

Cette désignation ainsi que les raisons de cette désignation doivent être explicitement mentionnées dans le plan de gestion de district hydrographique prévu à l'article 13 et revue tous les six ans.

 

DÉFINITIONS NORMATIVES POUR LA CLASSIFICATION DE L'ÉTAT ET DU POTENTIEL ÉCOLOGIQUES DES EAUX DE SURFACE

1. Éléments de qualité pour la classification de l'état écologique des eaux de surface

L'état écologique des eaux de surface est évalué en fonction de l'état de chacun des éléments de qualité biologique, physico-chimique et hydro-morphologique prévus dans le tableau 1 ci-après, dès lors qu'ils sont pertinents pour le type de masse d'eau considéré conformément à l'arrêté du 25 janvier 2010 pris en application de l'article R. 212-22 du code de l'environnement.

Tableau 1 : éléments de qualité pour la classification de l'état écologique des eaux de surface et paramètres constitutifs pour chaque élément de qualité

  1. Cours d'eau

    1. Eléments de qualité biologique

    1.1.1. Phytoplancton : composition et abondance

    1.1.2. Macrophytes : composition et abondance

    1.1.3. Phytobenthos : composition et abondance

    1.1.4. Faune benthique invertébrée : composition et abondance

    1.1.5. Ichtyofaune : composition, abondance et structure de l'âge

    1.2. Eléments de qualité hydromorphologique soutenant les éléments de qualité biologique

    1.2.1. Régime hydrologique

    -Quantité et dynamique du débit d'eau

    -Connexion aux masses d'eau souterraine

    1.2.2. Continuité de la rivière

    1.2.3. Conditions morphologiques

    -Variation de la profondeur et de la largeur de la rivière

    -Structure et substrat du lit

    -Structure de la rive

    1.3. Eléments de qualité chimique et physico-chimique soutenant les éléments de qualité biologique

    1.3.1. Eléments généraux

    -Température de l'eau

    -Bilan d'oxygène

    -Salinité

    -Etat d'acidification

    -Concentration en nutriments

    1.3.2. Polluants spécifiques

    -Pollution par tous polluants synthétiques spécifiques autres que les substances dangereuses prioritaires, recensés comme étant déversés en quantités significatives dans la masse d'eau

    -Pollution par tous polluants non synthétiques spécifiques, autres que les substances dangereuses prioritaires, recensés comme étant déversés en quantités significatives dans la masse d'eau.

 

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION État membre: France accompagnant le document: RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL relatif à la mise en œuvre de la directive-cadre sur l'eau (2000/60/CE) Plans nationaux de gestion des bassins hydrographiques

Extraits :

 

 L’application de dérogations au titre de l’article 4, paragraphes 4 et 5, n’a pas été pleinement justifiée dans les PGDH français. En particulier, l’utilisation des coûts disproportionnés pour motiver l’application de dérogations n’a pas été suffisamment justifiée. Une analyse économique solide doit être effectuée afin de définir des programmes de mesures à la fois rentables et efficaces et de justifier comme il se doit le recours aux dérogations.

 Le recours aux dérogations au titre de l’article 4, paragraphe 7, doit se fonder sur un processus d'analyse approfondi de l'ensemble des mesures préconisées par la DCE, visant notamment à savoir si le projet sert un intérêt général majeur et si les bénéfices pour la société l'emportent sur la détérioration de l'environnement, et s'il n'existe aucune alternative susceptible de constituer une option environnementale meilleure. En outre, ces projets ne peuvent être menés à bien que si l'ensemble des mesures possibles est pris pour atténuer l'incidence négative sur l'état de la masse d'eau. Pour chacun des 67 projets, toutes les conditions d'application de l'article 4, paragraphe 7, doivent être détaillées et justifiées dans les PGDH le plus tôt possible au cours de la phase de planification du projet.

PRESENTATION_MEFM_BLAVET 2050