1. Ordre du jour

Réunion d'échanges avec les élus en responsabilité à la Région Bretagne pour donner suite à la réunion d’informations du Collectif de juin 2021 auprès des listes candidates lors des élections régionales de 2021.

Objectif : Présenter les positions du Collectif et sensibiliser les représentants de la Région à une gestion différenciée du Blavet

  1. Présents

Pour la Région Bretagne :

  • Anne GALLO, Vice-présidente - Tourisme, Nautisme, Patrimoine
  • André CROCQ, Conseiller de la commission : Climat, Transitions et Biodiversité
  • David MOY, Directeur des Voies navigables – Canaux de Bretagne
  • Catherine YERLES, Directrice du Climat, de l'Environnement, de l’Eau et de la Biodiversité

Pour le Collectif :

  • François LE SAGER, représentant de l’AAPPMA du PAYS de LORIENT
  • Flavien TERMET, étudiant et porte-parole du Collectif
  • Edouard CASTAIGNET, membre de la Coop des Communs
  • Jean-Claude LE CLAINCHE, personne qualifiée eau & milieu aquatique
  1. Résumé des échanges

Présentation du Collectif (20 minutes)

Flavien TERMET

Le collectif souhaite ouvrir un débat avec les élus et la société civile sur le devenir du Blavet. Ouvrir une discussion, un débat qui aujourd’hui n’a pas lieu, car ni dans les institutions ni dans la société, ne semblent être proposées de véritables alternatives à l’actuelle gestion du Blavet, fleuve canalisé dans un but de navigation.

Notre démarche est de faire réaliser un état des lieux (étude économique, écologique, sociale à travers les usages qui sont fait du Blavet par les populations et entreprises privées et publiques) en rencontrant tous les acteurs concernés dans l’objectif de perspectives d’avenir conciliant, avec la prise en compte des profonds changements induits par le dérèglement climatique annoncé, l’ensemble des points cités. Un Blavet qui ne serait pas nécessairement exploité dans la logique de « navigation éclusée » qu’on lui connait aujourd’hui.

C’est la voix que souhaite porter le Collectif Blavet 2050 étant précisé qu’elle induit la nécessité d’un moratoire sur la construction de toute nouvelle centrale hydroélectrique, qui compte tenu du montant des investissements et du cadre juridique de telles infrastructures, empêcherait quasiment tout retour en arrière pour les quarante années à venir.

François LE SAGER

En ma qualité de citoyen habitant depuis de très nombreuses années à proximité immédiate du Blavet j’ai constaté d’important changement du fleuve depuis 50 ans avec les évolutions sociétales, la modification des régimes de pluies et l’apparition des plantes aquatiques envahissantes :

  • Beaucoup plus d’emploi de produits de traitement de l’eau par les stations de pompage,
  • Moins de bateaux éclusés,
  • Une évolution conséquence de la pratique du canoé-kayak,
  • L’automatisation des centrales hydroélectriques existantes,
  • Des débits d’eaux alternant le haut et le très bas et le peu d’eau en automne
  • Des eaux chargées sur de + en + de jours après les épisodes pluvieux,
  • L’envasement obligeant à des curages à l’amont et à l’aval des écluses,
  • L’implantation de l’égéria, de la Jussie et depuis quelques années des perturbantes hydrocotyles - exponentielles – et ses conséquences pour le milieu aquatique, la navigation à moteur et l’obligation d’interventions annuelles de la Région pour leur traitement,
  • La prolifération d’algues vertes dans l’estuaire de la rade de Lorient.

En sus avec la modification du régime des eaux et les conséquences d’un fonctionnement « en éclusée » des centrales hydroélectriques sur le blavet central de plus en plus visible on constate, en quelques heures, à leur aval des différences de niveau d’eau conséquente (entre 50cm voir 80cm certains jours). Depuis l’automatisation des vannes des barrages cette problématique est multi quotidienne (non-maitrise des éclusées ?).

Le projet de création de trois nouvelles centrales hydroélectriques, structurantes pour un modèle de canalisation qui mérite d’être débattu compte tenu des conséquences du réchauffement climatique annoncé, des futurs besoins d’eau en quantité et qualité, de l’avenir de certaines espèces classées – le saumon par exemple - en voie de disparation, d’une faible et baissière navigation éclusée, de l’évolution des loisirs d’eaux vives et de leur environnement rural a été l’élément déclencheur de la création du Collectif Blavet 2050.

Nous demandons aujourd’hui un débat sur la décision prise par la Région Bretagne en 2018 (qui concrétisait la politique régionale mise en œuvre dès 2008 sur les voies d’eau bretonnes depuis son transfert par l’état) car ce document suggère une gestion uniforme de l’ensemble des canaux de Bretagne (alors que le Blavet ne peut être comparé à la Vilaine par exemple).

Ce qui dit plus avant autorise à ouvrir ce dossier et à y consacrer une vaste étude. A titre d’exemple : est-ce que l’on a vu des résultats flagrants des bateaux à passage d’écluse malgré les importants investissements consacrés ? Non. Cela nous amène à penser que ce fleuve, à terme libéré où cela serait possible par l’ouverture des vannes et/ou la suppression des réhausses (poutrelles en bois) des barrages, est pertinent en termes de retombées sociales, économiques et environnementales et nous convainc de l’intérêt à être force de proposition.

La gestion du bief d’Auquinian à l’amont de Pontivy, en écoulement libre depuis quelques années maintenant, confirme que cela ne cause aucun problème aux infrastructures, que socialement il est parfaitement accepté, que sa biodiversité y est florissante et que des espèces piscicoles patrimoniales s’y sont développées.

Nous précisons que nous sommes par ailleurs tout à fait en accord avec la politique développée sur le chemin du halage pour un tourisme vert attractif ainsi que sur la préservation des maisons éclusières.

Jean-Claude LE CLAINCHE

Depuis le début des années 70 par la pratique sportive associative du canoé puis en tant que professionnel de la protection des milieux aquatiques depuis 1989, j’ai été témoin de l’évolution du Blavet.  Dans les années 95-2000, le régime pluvial a changé avec des crues hivernales et des assecs l’été. Puis l’apparition des espèces aquatiques exotiques invasives : l’égéria densa depuis 15 ans puis l’hydrocotyle il y a 4 ans sur le bassin du Blavet et enfin la colonisation vers l’amont de la jussie sur l’Oust, sont des indicateurs d’une dégradation du Blavet confrontée au dérèglement climatique. C’est pour ces raisons que je me suis inscrit dans la démarche Blavet 2050 qui propose une gestion durable du cours d’eau et la préservation de la biodiversité.

Le cours principal des 4 grands fleuves bretons : Vilaine/Oust, Aulne, Ile/Rance et Blavet est artificialisé de manière indifférencié et en 2018, la Région Bretagne a affirmé le choix d’un modèle unique de développement touristique de ces territoires d’eau acquis en 2008 en garantissant le passage de bateaux d’un tirant d’eau de 1.60 m dans un chenal de navigation.

En 2001, l’Europe a adopté une directive cadre qui fixe comme objectif l’atteinte du bon état écologique des masses d’eau caractérisé par des eaux libres. C’est un objectif du développement durable des territoires garant de la biodiversité.

Les masses d’eau peuvent bénéficier d’une dérogation par un classement en masse d’eau fortement modifiée – MEFM – moyennant justifications.

Le Blavet, dans le Morbihan compte 4 MEFM. Une première demande a été produite en 2008 puis une deuxième en 2014 à l’occasion de l’élaboration des SDAGE. En 2021, aucune mise à jour de demande de dérogation n’a été produite. Les informations notées sur les fiches masses d’eau sont très légères et lacunaires.

En 2014, un rapport de la commission au parlement Européen et au Conseil, relatif à la mise en œuvre de la DCE, a constaté que la dérogation au titre de de l’article 4, de classement en MEFM, n’est pas souvent pleinement justifiée.

On constate également que la gestion des affluents, tous classés en eau libre, sont confiés à des EPCI alors que les 570 km des canaux en sont dissociés alors que la « Contribution Bretonne à la stratégie des compétences locales sur l’eau du bassin Loire Bretagne » du 5 janvier 2017 affirme comme principes :

  • Principe n°1 : adopter une approche globale de l’eau, …
  • Principe n°6 : l’organisation a vocation à favoriser la transversalité et la gestion intégrée de l’eau en facilitant et développant l’articulation entre l’eau, l’aménagement et le développement économique du territoire, …

Le STRADET Bretagne indique dans son préambule que « Le monde bouge comme jamais il ne l’a fait ; son climat se dérègle à une vitesse inédite ; sa biodiversité est menacée ; … Le moment est ainsi venu d’engager le débat sur notre avenir, … Il ne s’agit pas de planifier l’avenir, mais de l’éclairer, de la comprendre, d’en favoriser la connaissance et de prévenir ou anticiper les conséquences et opportunités des mutations en cours. On peut retenir quelques objectifs :

  • Objectif 10 : accélérer la transformation du tourisme breton pour un tourisme durable,
  • Objectif 22 : déployer en Bretagne une stratégie d’adaptation au changement climatique,
  • Objectif 26 : intégrer les enjeux de l’eau dans tous les projets de développement et d’aménagement,
  • Objectif 27 : accélérer la transition énergétique en Bretagne dans lequel la contribution de l’hydraulique apparait pour 60 Gwh contre 2004 Gwh pour l’éolien terrestre et 2161 Gwh pour l’éolien marin sur un total de 14404 Gwh soit 0.4 % pour un impact sur les milieux aquatiques entrainant une perte de biodiversité importante.
  • Objectif 29 : Préserver et reconquérir la biodiversité en l’intégrant comme une priorité des projets de développement et d’aménagement, axé sur 29-1 : la préservation et la restauration de la fonctionnalité des milieux naturels au travers de la trame verte et bleue régionale et 29-6 : la réduction de l’impact des infrastructures de de transport … sur les continuités écologiques.

L’Etat de l’art sur les changements climatiques en Bretagne – Breiz Hin » d’avril 2019 traite de l’adaptation aux changements climatiques et rappelle :

  • Une augmentation de la température de l’air et de l’eau,
  • L’augmentation des crues en hivers,
  • L’augmentation des sécheresses et la sévérité des étiages.

L’adoption en 2018 de la stratégie régionale de développement et de valorisation des canaux et voies navigables n’exonère pas la région Bretagne du respect juridique et cela montre la contradiction entre les principes de développement adoptés et les politiques mises en œuvre. Dialectique qui est complément en décalage de la réalité.

Face à l’accélération du dérèglement climatique Il faut un moratoire sur tout projet structurant tel l’implantation de microcentrales nouvelles qui fige la situation pour plusieurs dizaines d’années.

On peut adapter le bateau à la rivière et non la rivière au bateau sans toucher aux infrastructures.

Il est nécessaire de mettre à plat l’évolution de l’hydrosystème et du socio système Blavet face au dérèglement climatique afin de proposer un développement du territoire le plus durable et protecteur possible de la biodiversité

Edouard CASTAIGNET

En résumé le collectif demande deux choses :

  • Un préalable, à ce que, si la Région souhaite ouvrir la discussion, cette dernière annonce un moratoire sur la construction de toute nouvelle centrale hydroélectrique sur le Blavet d’ici le 15 juin 2022, condition nécessaire pour qu’un débat serein puisse avoir lieu.

 

  • L'ouverture d'un débat sur la possibilité d’une gestion différenciée aux vues des risques environnementaux et sociaux posés par la gestion actuelle de canalisation du Blavet

Réponse des élus et représentants de la Région Bretagne (30 minutes)

Anne GALLO

La stratégie des canaux a été adoptée en 2018 à l’unanimité. L’idée est d’avoir une cohérence, d’avoir une stratégie patrimoniale avec des bâtis le long des canaux. Il faut faire face à une réalité technique, on ne peut pas mettre les biefs hors d’eau. La canalisation permet aussi de faire des réserves d’eau avec une alimentation en eau potable. Concernant les masses d’eau, il existe une volonté commune d’améliorer la qualité de l’eau. Cependant, la mandature en place ne modifiera pas le Blavet, à part intervenir pour préserver la qualité de l’eau. La logique c’est de mettre en place une navigation électrique, respectueuse de l’environnement et favoriser l’augmentation de la navigation.

André CROCQ 

Concernant la production hydroélectrique, nous pensons que nous pouvons aujourd’hui à la fois intégrer les enjeux économiques et environnementaux. On veut être capable d’identifier les endroits ayant un potentiel intéressant. Il n’y a pas de volonté de lancer des projets hydroélectriques là où il n’y aurait pas de sens.

La région va donc mandater une étude sur le potentiel hydroélectrique de chaque bassin. En tant que propriétaire, on ne peut pas passer à côté de cette opportunité dans la recherche du mix énergétique dont la Région a besoin.

Pour entrer dans le détail de l’aspect production d’énergie, aujourd’hui la plupart des ingénieries travaillent sur des basses chutes mais aussi sur des micro-chutes. Tous les systèmes sont sur des puissances faibles avec quelques centaines de kwh par unité dans une logique de boucle énergétique locale.

Pour continuer de discuter avec le collectif, il apparait nécessaire que celui-ci se constitue en personne morale afin qu’il soit intégré en tant qu’entité qualifiée dans les discussions futures.

David MOY

Concernant les voies navigables, Il y a aujourd’hui une stratégie politique claire qui date de Juin 2018 qui va être réaffinée prochainement. La région va probablement favoriser le développement de la navigation avec une flotte de motorisation électrique.

Sur l’aspect touristique, il va falloir accompagner la progression de la fréquentation des chemins de halage, avec notamment une offre pédestre, cycliste et de navigation. L’intérêt du canal, c’est de voir la voie d’eau s’animer avec les différents usages comme les écluses ou la pratique du paddle.

Le rôle du politique c’est de voir comment on peut consolider et renforcer les voies d’eaux pour accroître la navigation fluviale.

Quelles vont être les nouvelles formes de bateaux ? Ce seront des unités non habitées utilisables à la journée et électriques.

Catherine YERLES

Sur l’environnement, les voies navigables peuvent être considéré comme des réservoirs de biodiversité.

Le Blavet Canalisé_Faucardage à Saint-Aignan

 

Compte rendu réunion avec Madame Anne Gallo et Monsieur André Crocq au Conseil Régional à Rennes le 28 /02 /2022